Roland Veuillet, Gilet jaune, est incarcéré depuis le 31 mai à la maison d’arrêt de Nîmes dans l’attente de son procès. Procès au motif hautement politique : « participation à une manifestation ». En effet, son contrôle judiciaire, imposé depuis le 26 décembre 2019, lui interdisait toute participation.
Ce procès, maintes fois reporté, était initialement prévu pour novembre 2020. Mais – à la mi-juin seulement – Roland apprend que la date de l’audience est avancée au 2 juillet 2020.
L’information lui est donnée entre deux portes au moment du repas dans la maison d’arrêt, sans que la convocation ne lui soit remise. Or, nous savons les tribunaux surchargés à cause de la grève des avocats, et de la covid 19.
Bref, pour nous, ce changement de date est de (très) mauvais augure.
Roland ne veut pas d’avocat. Mais il ne peut préparer sa défense dans une cellule de neuf mètres carrés où il est entassé avec deux autres détenus, et où la télé assène à tue-tête des programmes que personne ne regarde. Aucune autorisation de sortie ne lui est accordée pour récupérer ses documents ni pour préparer sa demande de report d’audience. Qu’à cela ne tienne : il prépare sa plaidoirie de mémoire.
Arrive l’audience du 2 juillet.
Les deux magistrates refusent le report d’audience et envoient Roland en taule pour douze mois, dont six mois avec sursis. Plus 1750 euros d’amende.
Depuis son incarcération, Roland est appelé » le Gilet jaune » par les détenus. Il bénéficie à leurs yeux d’un statut particulier : « c’est un politique ». Mais aussi grâce au chahut que nous faisons tous les mercredis soir à partir de 19 heures de l’autre côté des épais murs de la maison d’arrêt de Nîmes. Nous scandons notamment : « On est là ! » pour dénoncer cette incarcération injuste, politique.
Ce 8 juillet, la Cour de cassation publie un arrêt déclarant que : « Tous les détenus peuvent demander leur remise en liberté s’ils jugent leurs conditions de détention indignes. » Seul Roland diffuse l’information auprès des détenus – grâce aux courriers que nous lui envoyons, mais aussi au journal Le Monde, qu’il reçoit (et qui publie le 9 juillet un article à ce sujet).
Les prévenus s’emparent de la nouvelle et la font circuler. Roland fait des modèles de lettre, voire les rédige, pour ceux en difficulté d’écriture. Des dizaines de lettres sortent de la prison – cachetées et confidentielles, puisqu’adressées au juge.
L’administration pénitentiaire qui n’avait donné aucune information à ce sujet aux prisonniers panique. – Reflet de la crispation de l’institution vis-à-vis de ce qui lui échappe.
Dès lors, Roland subit des fouilles au corps. Sa cellule aussi est fouillée – de fond en comble. Que comptent-ils trouver à part des livres et des journaux ? Ce sont clairement des mesures d’intimidation.
Encore raté : il en faudra plus pour décourager Roland.
Les prisonniers de la maison d’arrêt de Nîmes prennent donc conscience de leurs conditions d’incarcération indignes. La tension monte entre les détenus et le personnel.
Vendredi 17 juillet, les prévenus descendus à la promenade refusent de regagner leurs cellules insalubres, sous l’œil des surveillants en grève depuis le matin – conscients de la situation explosive.
Roland est immédiatement mis au Mitard pour :
– Incitation et participation à la rébellion
– ET POUR SON TÉMOIGNAGE SUR LES CONDITIONS D’INCARCÉRATION À LA MAISON D’ARRÊT DE NÎMES paru dans la presse régionale.
Ce grief est une grave atteinte à la liberté d’expression.
Conclusion : Roland est depuis le 17 juillet au quartier disciplinaire (au mitard) dans une cellule crasseuse, délabrée, et nauséabonde. Où la construction en béton rend la chaleur insupportable. Il ne peut plus voir les autres détenus. Il ne voit le jour qu’une heure par jour. Il n’a plus le droit de téléphoner à l’extérieur.
L’application du règlement intérieur devient aléatoire, à l’appréciation des gardien-ne-s.
Vendredi, ils ont même refusé de laisser rentrer au parloir 3 journaux alors que le règlement l’autorise.
La commission de discipline se réunissait hier mardi 28 juillet pour statuer sur le cas de Roland. Nous sommes (très) inquiets puisque cette commission est composée de 3 personnes :
– la directrice de la Maison d’arrêt
– un surveillant de l’établissement choisi par celle-ci
– et une personne de l’extérieur.
Les deux derniers n’ayant qu’un rôle consultatif.
En effet, par un décret de février 2019, M. Macron a donné pleins pouvoirs aux directeurs des prisons pour rendre la justice dans leurs murs. Cette mesure rend un procès équitable impossible : le chef d’établissement concentre tous les pouvoirs (poursuite, enquête, sanction, levée de la sanction). Les sanctions deviennent disproportionnées par rapport aux faits.
Quelle que soit la nature de la faute commise, isoler quelqu’un dans une cellule privée de tout équipement – si ce n’est des w.c. non cloisonnés à proximité d’une tablette pour les repas et d’un lit bétonné -, avec pour seule activité une heure de promenade dans une cour grillagée (ceci pouvant aller jusqu’à 30 jours) est inacceptable.
Pour information : l’OIP (Observatoire International des Prisons) n’a plus accès à la Maison d’arrêt de Nîmes. La direction refusant tout dialogue. L’OIP réclame les rapports annuels de la prison de Nîmes depuis 2018. Sans réponse.