Pour une justice impartiale, pour le respect des libertés publiques, pour Roland Veuillet
Roland Veuillet est un militant syndical et politique de gauche, figure emblématique des gilets jaunes à Nîmes. C’est un retraité de 63 ans de l’Éducation nationale au casier judiciaire vierge. Il fait l’objet depuis de nombreux mois d’un harcèlement policier (gardes à vue liées à des manifestations de gilets jaunes, perquisition illégale et destructrice à son domicile le 26 novembre 2019, garde à vue illégale le 2 décembre 2019…). Roland Veuillet a déposé plusieurs plaintes pénales auprès du procureur de la République : contre le comportement agressif et injurieux d’un policier nîmois à l’égard des manifestants, contre l’illégalité de la perquisition du 26 novembre, contre l’arrestation et la garde à vue arbitraires le 2 décembre (dont les menaces d’un policier ivre pendant cette garde à vue). À noter qu’à aucun moment Roland Veuillet n’a cherché à se soustraire à la justice, bien au contraire !
Le 10 décembre 2019, Roland Veuillet a de nouveau été arrêté et mis en garde à vue à la suite de la manifestation nîmoise pour les retraites. Il a ensuite été jugé en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Nîmes et incarcéré à la Maison d’arrêt de Nîmes le 12 décembre 2019, en détention provisoire jusqu’à son jugement le 9 janvier 2020. La cour a décidé de regrouper plusieurs affaires liées à des gardes à vue suivant des manifestations de gilets jaunes (dont « port d’arme de catégorie 5 », c’est-à-dire un tournevis/canif d’électricien, métier que Roland Veuillet a exercé après son licenciement des chantiers navals de La Ciotat) et la plainte pour acte d’intimidation du policier contre lequel Roland Veuillet avait préalablement porté plainte… L’acharnement de l’arbitraire policier s’est transformé en piège kafkaïen, malheureusement validé par la justice, contre un militant qui ne se laisse pas faire, mais toujours de manière pacifique. Roland Veuillet a annoncé le 12 décembre une grève de la faim et de la soif.
Suite à cette grève de la faim et de la soif devenant très inquiétante pour sa santé, Roland Veuillet a été libéré le 26 décembre 2019 avec un contrôle judiciaire. Contrôle judiciaire très strict puisque il devait se présenter à la gendarmerie trois fois par semaine, avec interdiction de sortir du Gard et interdiction de manifester. Depuis son procès est sans arrêt reporté : grève des avocats, Covid, lenteur de la justice… Il est finalement convoqué devant le tribunal seulement le… 6 novembre 2020.
Au mois de février, Roland Veuillet engage un recours devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour dénoncer la partialité du procureur de la République à Nîmes, Eric Maurel. En effet, ce dernier a contribué à réprimer durement le mouvement des gilets jaunes depuis le 17 novembre 2018. Suite à la saisie du CSM, le procès de Roland Veuillet a des chances d’être délocalisé, comme en a informé le juge le 14 mai lors d’une audience pour visionner des caméras qui avaient été mises sous scellés.
Toujours au mois de février, Roland Veuillet adresse au procureur une « Lettre ouverte » dans laquelle il dénonce l’illégalité de l’interdiction de manifester, lui signale qu’il ne la respectera plus et lance une pétition qui a recueilli 26450 signatures au 22 juin (pétition « Défendre le droit de manifester », https://www.mesopinions.com/petition/politique/defendre-droit-manifester/81089).
Le samedi 30 mai, Roland Veuillet et des gilets jaunes se trouvaient sur un rond-point pour dénoncer les mesures anti-sociales et liberticides prises par le gouvernement ces dernières semaines. Comme à l’accoutumée, les gendarmes sont venus contrôler les identités et ont demandé à Roland de les suivre. Ils l’ont mis en garde à vue et présenté devant le juge des libertés le lendemain, dimanche 31 mai. Verdict : Roland a de nouveau été emprisonné jusqu’à son procès le 6 novembre 2020 pour non-respect de « l’interdiction de manifester ». Notons que, depuis que Roland Veuillet est incarcéré et alors que les rendez-vous du samedi des gilets jaunes se poursuivent sur ce rond-point, il n’y a plus de contrôles policiers !!!
Que nous enseigne ce double acharnement policier et judiciaire contre un retraité de la fonction publique, mais qui exprime une forte individualité intraitable que la question de ses droits ? Qu’il y a ici un écart inacceptable avec ce que devraient être le fonctionnement républicain de la police et celui de la justice dans une État de droit. Il ne s’agit pas de mettre en cause les institutions policière et judiciaire en général, mais de refuser un dérapage localisé inadmissible pour tous ceux qui sont attachés à la défense des libertés individuelles et collectives quelles que soient leurs orientations politiques. Dans ce cas, l’arbitraire policier a été laissé sans garde-fou démocratique. Pire, du fait de proximités locales entre certains fonctionnaires de police tentant d’abuser de leurs prérogatives et un procureur, les uns et les autres étant dans une situation de dépendance mutuelle dans le cadre de leurs fonctions professionnelles respectives, on emprisonne à deux reprises un citoyen simplement défenseur des droits de l’homme et des droits sociaux. On le traite même de manière plus implacable qu’un dangereux délinquant. Tous les citoyens attachés aux libertés publiques, tous les associations, les syndicats et les partis attentifs à la défense du droit de manifestation, tous les journalistes et les médias soucieux de préserver le cadre démocratique de leurs activités, tous les élus de tous bords politiques qui savent que le combat démocratique contre les dérives qui guettent nos institutions doit être sans arrêt relancé doivent se mobiliser pour cette juste cause. Ils ne pourront plus dire, si jamais les reculs de notre État de droit se multiplient, qu’ils ne savaient pas, qu’ils n’y sont pour rien. Notre avenir démocratique dépend de chacun de nous, de chaque citoyen, de chaque journaliste, de chaque élu.
Le comité de libération et de soutien à Roland Veuillet demande sa libération immédiate et la délocalisation de son procès, pour que les conditions d’une justice impartiale soient de nouveau réunies. Il demande aussi que le droit de manifester de Roland Veuillet soit rétabli, car comme l’écrivait Rosa Luxemburg alors qu’elle était en prison en Allemagne à cause de son combat contre la boucherie de 1914-1918 : « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. »