Conditions de détention – Roland au mitard.

Le texte de Roland :

– 14 juillet 2020 –

Dans la prison de Nîmes les détenus dorment par terre, car il n’y a pas suffisamment de lits pour tout le monde.
Les repas se prennent souvent dans les mêmes conditions, car les chaises manquent.
Ici, tout fonctionne de la même façon, car la prison de notre ville est la plus surpeuplée de France avec un taux d’occupation de 200%.
Cela se traduit par un entassement à trois personnes dans des cellules prévues pour deux. Cette promiscuité engendre inévitablement des tensions fortes des gens entre eux et avec le personnel. Cela se traduit par des conditions d’hygiène déplorables. Les gestes barrières et le gel hydroalcoolique n’existent pas pour lutter contre le Covid ici.
Les espaces non-fumeurs n’existent pas non plus. Les activités culturelles et sportives sont limitées à leur portion congrue, pour quelques chanceux qui en bénéficient. La bibliothèque est fermée, aucun livre, aucun journal ne circule, sans aucune raison. Les visites au parloir sont accordées avec parcimonie, elles sont pourtant le seul lien avec l’extérieur.
Quant aux sorties dans la cour, elles sont réduites à 2 heures quotidiennes en raison de l’effectif humain très important à gérer dans les espaces communs, d’ailleurs beaucoup d’entre nous renoncent à ces récréations et restent 24H sur 24H dans un espace vital inférieur à 3m2 par personne. Pour eux, la seule fenêtre sur la vraie vie, c’est la télévision qui diffuse à tue tète des programmes que personne ne regarde ou n’écoute et qui constitue de fait un bruit de fond abrutissant. Bruit de fond qui s’associe peu harmonieusement avec celui du vacarme constant des bâtiments en béton armé.
La température est torride, elle est accentuée par les trois épaisseurs de barreaux en métal accrochés à chaque fenêtre et qui en été deviennent de véritables radiateurs. Certes les détenus tentent en vain de les refroidir avec de l’eau, mais ils ne créent qu’une gigantesque vapeur. Celle-ci entre dans chaque cellule et s’associe aux odeurs fécales des w.c. et fétides de la transpiration et de la moisissure.
La situation de la prison de Nîmes est explosive.
Le Prefet Lauga et le Procureur Maurel en sont les seuls responsables : le premier par sa politique répressive ultra sécuritaire et le second par les procédures expéditives qu’il engage.

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Ce 8 juillet, la Cour de cassation publie un arrêt déclarant que : « Tous les détenus peuvent demander leur remise en liberté s’ils jugent leurs conditions de détention indignes. » Seul Roland diffuse l’information auprès des détenus – grâce aux courriers que nous lui envoyons, mais aussi au journal Le Monde, qu’il reçoit (et qui publie le 9 juillet un article à ce sujet).

Les prévenus s’emparent de la nouvelle et la font circuler. Roland fait des modèles de lettre, voire les rédige, pour ceux en difficulté d’écriture. Des dizaines de lettres sortent de la prison – cachetées et confidentielles, puisqu’adressées au juge.

L’administration pénitentiaire qui n’avait donné aucune information à ce sujet aux prisonniers panique. – Reflet de la crispation de l’institution vis-à-vis de ce qui lui échappe.

Dès lors, Roland subit des fouilles au corps. Sa cellule aussi est fouillée – de fond en comble. Que comptent-ils trouver à part des livres et des journaux ? Ce sont clairement des mesures d’intimidation.

Encore raté : il en faudra plus pour décourager Roland.

Les prisonniers de la maison d’arrêt de Nîmes prennent donc conscience de leurs conditions d’incarcération indignes. La tension monte entre les détenus et le personnel.

Vendredi 17 juillet, les prévenus descendus à la promenade refusent de regagner leurs cellules insalubres, sous l’œil des surveillants en grève depuis le matin – conscients de la situation explosive.

Roland est immédiatement mis au Mitard pour :

– Incitation et participation à la rébellion

– ET POUR SON TÉMOIGNAGE SUR LES CONDITIONS D’INCARCÉRATION À LA MAISON D’ARRÊT DE NÎMES paru dans la presse régionale.

Ce grief est une grave atteinte à la liberté d’expression.

Conclusion : Roland est depuis le 17 juillet au quartier disciplinaire (au mitard) dans une cellule crasseuse, délabrée, et nauséabonde. Où la construction en béton rend la chaleur insupportable. Il ne peut plus voir les autres détenus. Il ne voit le jour qu’une heure par jour. Il n’a plus le droit de téléphoner à l’extérieur.

L’application du règlement intérieur devient aléatoire, à l’appréciation des gardien-ne-s.

Vendredi, ils ont même refusé de laisser rentrer au parloir 3 journaux alors que le règlement l’autorise.

La commission de discipline se réunissait hier mardi 28 juillet pour statuer sur le cas de Roland. Nous sommes (très) inquiets puisque cette commission est composée de 3 personnes :

– la directrice de la Maison d’arrêt

– un surveillant de l’établissement choisi par celle-ci

– et une personne de l’extérieur.

Les deux derniers n’ayant qu’un rôle consultatif.

En effet, par un décret de février 2019, M. Macron a donné pleins pouvoirs aux directeurs des prisons pour rendre la justice dans leurs murs. Cette mesure rend un procès équitable impossible : le chef d’établissement concentre tous les pouvoirs (poursuite, enquête, sanction, levée de la sanction). Les sanctions deviennent disproportionnées par rapport aux faits.

Quelle que soit la nature de la faute commise, isoler quelqu’un dans une cellule privée de tout équipement – si ce n’est des w.c. non cloisonnés à proximité d’une tablette pour les repas et d’un lit bétonné -, avec pour seule activité une heure de promenade dans une cour grillagée (ceci pouvant aller jusqu’à 30 jours) est inacceptable.

Pour information : l’OIP (Observatoire International des Prisons) n’a plus accès à la Maison d’arrêt de Nîmes. La direction refusant tout dialogue. L’OIP réclame les rapports annuels de la prison de Nîmes depuis 2018. Sans réponse.

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Courrier du Contrôleur Général de Lieux de Privation de Liberté, reçu le 13 août 2020 :

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Pour les liens sur internet, cliquez sur la description en vert :

Rapport de commission d’enquête du sénat (lien internet) – 15 juillet 2020

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Articles :

La sanction d’incarcération produit un effet d’électrochoc sur la personne mais l’arbitraire de l’organisation de la vie , du temps carcéral et judiciaire ne cesse de produire une aggravation du sentiment d’injustice et de colère contre cette machine qui ne remplit pas ses fonctions, ses objectifs, dont l’éthique a disparu accompagnée d’un sens moral perverti. Alors que l’enjeu serait une réflexion argumentée sur le «  bien agir » pour retrouver une place quelque part dans sa vie avec le monde des autres.

Cette violence institutionnelle, ce règne de l’arbitraire c’est la double peine, la triple peine ; deux voire trois personnes dans 9 m2, une hygiène impossible à tenir, une intimité violée en permanence par l’oeilleton de la surveillance. En prison tout est toléré, tous les trafics, quitte à se servir de cette tolérance pour coincer quelqu’un. Ça en dit long sur le non-sens de la punition et ceux qui suivent les règles à la lettre ne seront pas forcément récompensés.

Ce sont bien les prisons, les différents lieux et les différentes formes de détention, de privation de liberté qui nous révèlent l’état d’une société et des rapports entre les humains.

[…] Quand on a été condamné, se déclarer innocent c’est rédhibitoire ! Il vaut mieux plaider coupable, ne pas faire appel car tout est aménageable, tout bien faire pour tout axer sur la sortie. Quelqu’un qui se dit innocent n’obtiendra rien, cela pose tout de même le statut de la parole quand on sait à quel point il est important pour rester debout, pour être soi de ne pas se renier faute d’être condamné à l’inexistence sociale par le bréviaire du repentir. Et sincère, le repentir !

Extrait de l’article du Poing – 27 juillet 2020 – Pour lire l’article en entier : https://lepoing.net/en-prison-a-son-paroxysme-le-paradoxe-tutoie-labsurde-cest-le-regne-de-larbitraire/

  • La Gazette – papier du 23 juillet 2020 :
  • MIDI LIBRE – papier du 15 juillet 2020 :
  • France Bleue (vidéo internet) – 13 juillet 2020 – L’avocate Khadija Aoudia : « Les geôles de la maison d’arrêt de Nîmes, mon chien, je ne l’y met pas. »
  • LE MONDE (lien internet) – 9 juillet 2020